Comité “Ecole de la rue Tlemcen”
Témoignage de
Etienne Raczymow.
La résistance des jeunes juifs dans le 20ème arrondissement.
“Mes parents sont arrivés en France dans les années 1920. Ils venaient de Pologne d’où ils avaient été chassés par l’antisémitisme, la misère économique et les persécutions. Les enfants, jusqu’à six ans, allaient à la maternelle rue de Tourtille, après quoi les filles allaient à l’école élémentaire rue de Tourtille alors que les garçons allaient à l’école rue Ramponeau.
En 1939, à la déclaration de guerre, mon père, comme la plupart des autres pères étrangers, s’est engagé comme volontaire pour défendre le pays qui l’avait accueilli. En 1940 ce furent l’occupation allemande et l’instauration des premières lois anti-juives. Les autorités françaises apposèrent le tampon « juif » sur nos papiers d’identité. L’année suivante on vit à Paris les premières rafles de Juifs. Ma mère me donna un peu d’argent pour rejoindre Lyon en zone non occupée. En 1943, je retrouve à Grenoble des camarades de l’école Ramponeau dont Jacob Szmulewicz. C’est ainsi que j’ai intégré les F.T.P. de la M.O.I. dans le détachement « Liberté ». Ce détachement accomplit près d’une centaine de déraillements. Avec mes camarades de l’école Ramponeau (Pessac, Szmulewicz, Landowicz, Serge Lebel et moi-même), nous avons effectué des missions importantes dont, à l’aide de trente bombes, la destruction d’une usine qui travaillait pour les Allemands. Nous avons exécuté trois agents de la Gestapo. Nous avons connu des accrochages sévères avec la police ou avec les Feldgendarmes : deux camarades de l’école Ramponeau furent blessés lors d’une action avec la Feldgendarmerie, Serge Lebel à la jambe et Robert Pessac à la poitrine. Notre camarade Guy Landowicz fut arrêté et fusillé. Dans tout le quartier de Belleville-Ménilmontant, on compta une vingtaine de fusillés dont Henri Bekerman qui avait 20 ans et avait été élève rue Ramponeau. Certains furent déportés, tel notre ami Charles Palant, heureusement revenu des camps et qui fut l’un des fondateurs du M.R.A.P.
Rue Olivier Métra, habitait la famille Pejsakowicz dont les quatre enfants étaient tous dans les F.T.P.-M.O.I.. Un autre exemple de résistance fut celui de Laurent Goldberg. Au début de l’occupation allemande, à Belleville-Ménilmontant, il dirigeait la Jeunesse Communiste composée de jeunes dont la moitié sera fusillée. Laurent Goldberg gagna l’Espagne et, après six mois de prison, rejoignit la 2ème D.B. en Afrique. Il participa au Débarquement et à l’insurrection de Paris en août 1944. Malheureusement ses parents avaient été déportés en juin de la même année. Impasse Saumon habitait Bernard Grouman, militant aussi de la J.C. ; il rejoignit la zone libre et participa à la campagne du Vercors ainsi qu’à la Libération de Lyon. Une jeune fille de la J.C., nommée Chloss, dont le père tenait une menuiserie rue Desnoyers, fut arrêtée et décapitée à Cologne. Rue des Couronnes, 38 enfants furent déportés. Ainsi, au 14, le petit Gilles Sadoroski fut déporté de la maison d’Izieu. Au 19 habitait Jacob Szmulewicz qui fut F.T.P.-M.O.I. Au 22, habitait Samy Kanar, qui fut l’un des responsables de l’U.J.J.. Pour ma part ma famille et moi habitions au 27. Samuel Goldman FTP-MOI fusillé, habitait la même rue. Au 43, habitaient Kipman dit « Bruno » abattu à Lyon, et Jean Lamberger FTP-MOI également. Dans le haut de la rue des Couronnes, habitaient Henri Krasucki, résistant déporté, qui deviendra responsable de la C.G.T. ainsi que la famille Zalkinow qui compta deux fusillés et de nombreux déportés. N’oublions pas Bernard Orlik et André Schmer, membres du Comité Tlemcen, qui ont été à 15 et 16 ans les deux plus jeunes FTP-MOI. Mentionnons encore le Professeur Georges Charpak, futur Prix Nobel, arrivé de Pologne à 8 ans ; jeune résistant, il fut déporté à Dachau. Voici un aperçu de l’engagement de la jeunesse juive du 20ème arrondissement, qui s’est battue pour défendre la France contre le nazisme.
Se souvenir pour construire l’avenir
Ils habitaient notre quartier…